STASH OU LES AVENTURES DU PRINCE DU ROCK : Épisode 2
36 ans après notre dernière rencontre, dans les backstages de l’ultime concert de Serge Gainsbourg en Suisse, au Leysin Rock festival, je retrouve enfin chez lui, dans sa maison posée sur la plage de Malibu, le Prince Stanislaus Klossowski de Rola, alias Stash, figure légendaire du swinging London et fils du fameux peintre Balthus. Chanteur, acteur, musicien, réalisateur, auteur, aristocrate helvète, modèle aux tenues les plus exubérantes, amant fameux de Faithful, Pallenberg, Nico et de tant d’autres femmes et surtout ami intime de tout le Gotha artistique des 60’s psychédéliques de l’art au rock en passant par le cinéma. Désormais il multiplie les followers sur son Instagram. Deuxième épisode des aventures du prince du rock : de Jerry Sikorski à Vince Taylor en passant par Man Ray, Jacques Prévert, Marc Allegret, Charles Gérard, Zouzou la twisteuse, Sam Goldwyn Junior et John Cassavetes.
Aussi flamboyant qu’extraordinairement attachant, Stanislaus Klossowski de Rola était un de ces personnages riches en couleurs, un pur produit de la rock culture des 60’s. Authentique prince polonais et fils du fameux peintre Balthus, « Stash » avait toujours baigné dans les arts. Et sa vie est un roman. Il n’a pas 22 ans lorsqu’il débarque à Paris pour rejoindre les Playboys, le groupe de Vince Taylor en tant que percussionniste, partageant la même affiche que …les Rolling Stones à l’Olympia. C’est ainsi qu’il se lie d’amitié avec Brian, Mick et Keith. Mais Stash va pourtant quitter Vince Taylor, incontrôlable à cause de ses addictions et monter sa propre formation. Impressionné Eddie Barclay va lui proposer un contrat, qu’il refuse, car ce dernier veut faire de son groupe une version pop hexagonale des Beatles. Stash s’envole pour LA où également il refuse un plan juteux : tenir le premier rôle de la série the Monkees…qui se voulait être une version made in USA des Fab Fours.
S’il quitte la Californie, l’aristo-rock parvient néanmoins à ses fins : signer un contrat sous son nom ( ou presque : Stach de Rola) et publier le bien nommé « PEACE » son premier single…au Danemark…pour lequel il parvient néanmoins à enrôler Mick Jagger, John Lennon et Paul McCartney…excusez du peu ! Si le disque se révèle être un flop, il scelle néanmoins une solide amitié à la fois avec les Stones ET les Beatles, participant même à certaines sessions avec eux comme « Baby, You’re A Rich Man » et « All You Need Is Love ». Stash s’impose bientôt comme pilier de ce swinging London qui le fascinait et où sa personnalité particulièrement lumineuse lui ouvre toutes les portes. Il se lie l’amitié avec Eric Burdon, Jimi Hendrix, les Who. Toujours vêtu de manière incroyable, c’est un dandy hippie qui hante toutes les soirées. Il devient très proche des Stones, les accompagnant au Maroc ou ailleurs. Le 10 mai 67, Stash se fait arrêter avec Brian Jones pour possession de marijuana. À cette époque, le rocker helvète avait un autre ami tout aussi givré que Brian : le « lunatic » Syd Barrett, qu’il accompagnait dans ses « trips » – dans TOUS les sens du terme- jusqu’au pays de Galles. Charmeur invétéré, il séduit les plus belles femmes de cette époque où la libération sexuelle a enfin explosé. Stash ne raconte-t-il pas que lorsqu’il accompagnait les Stones en tournée il se retrouvait forcé d’enjamber au petit matin en rentrant avec eux à l’hôtel après une nuit de défonce intense, les grappes de groupies assoupies devant les portes de leurs chambres. Plus tard, il sera aussi réalisateur de films et écrivain, mais cette année 88 lorsqu’il découvre les Dirty Strangers, son sang bleu ne fait qu’un tour. Il décide alors de produire leur tout premier album, qui portera le patronyme de ce groupe de Shepperds’ Bush, qui s’est donné pour mission de perpétuer le feu sacré de Chuck Berry, Eddie Cochran et Gene Vincent. Et cerise sur le gâteau, Stash n’a aucun mal à convaincre ses buddies Keith Richards et Ron Wood de venir jouer les spadassins de luxe sur l’album que j’avais alors chroniqué pour BEST ( Voir sur Gonzomusic THE DIRTY STRANGERS « The Dirty Strangers » ). C’est à cette occasion que nous nous sommes rencontrés pour la première fois au printemps 1988 à Paris ( Voir sur Gonzomusic STASH NOTRE PRINCE DU ROCK ). 36 ans après, par la magie des réseaux sociaux, je retrouve Stash, qui accepte de me recevoir dans sa jolie maison sur pilotis, posée sur le sable de Malibu Beach. Désormais ultra présent sur internet, via son site Princestash.com et son très populaire Instagram riche de 500.000 followers https://www.instagram.com/prince.stash/, Stash y partage ses objets de collection et ouvre à son public son château à Rome ou son chalet à Gstaadt, l’un des plus anciens en Helvètie. Notre héros multilingue s’exprime toujours dans un Français aussi élégant qu’impeccable. Deuxième épisode des aventures du prince du rock : de Jerry Sikorski à Vince Taylor ( again) en passant par Man Ray, Jacques Prévert, Marc Allegret, Charles Gérard, Zouzou la twisteuse, Sam Goldwyn Junior et John Cassavetes.
« Alors ma vie d’écolier allait se terminer en Italie, lorsqu’ après une éducation en Angleterre avec un précepteur, j’avais été scolarisé à Genève à l’école anglaise, et puis j’avais voulu retourner en Angleterre. Cependant tout ça s’est mal passé et j’ai dû promettre à mes parents de terminer mes études. Par conséquent, j’ai été enrôlé dans une école Américaine à Rome ; et dans cette école américaine Rome c’était extrêmement ennuyeux, je me suis rendu compte dès les tout premiers jours mais quel ennui ! En fait, il y avait un an à faire dans cette école, avant d’être « graduate ».
Oui avant d’avoir ton bac !
D’avoir le bac, c’est cela. À ce moment-là, par un miracle extraordinaire, il y avait un assistant de Luchino Visconti qui s’appelait Jerry Sikorski, il était polonais. Et à l’époque tu sais via Venetto, qui est maintenant un désert pratiquement. Surtout, il y avait ce côté que tu vois dans la « Dolce Vita » et dans ce genre de film, avec une activité de dingue, comme les Champs-Élysées d’autrefois. Enfin, c’était vraiment là où tout se passait, tu avais les gens avec des voitures de luxe qui faisaient le tour, et les grands hôtel l’Excelsior et tout ça. Et tu vois cette atmosphère-là dans la « Dolce Vita ». D’ailleurs Fellini était en train de le terminer quand je suis arrivé en automne 1959 et lorsque Jerry Sikorski est venu à la table où j’étais en train de parler avec ma mère.
Le fait que tu avais des origines polonaises et lui aussi ça a joué ou pas du tout ?
Non, car il ne savait pas qui j’étais. Il est arrivé, il a dit : pardon excusez-moi de vous interrompre, mais est-ce que vous vous êtes acteur ? Je lui ai dit : non non. Alors il a poursuivi : mais est-ce ça vous intéresserait ? Puis il m’a dit : vous êtes expressif. Moi je me suis cantonné dans une réserve, sur le mode « j’ai promis à mes parents que je serai très raisonnable » et je dois aller à l’école.
Très raisonnable !
Très raisonnable. Mais il a insisté et c’est ma mère qui a fini par dire : mais pourquoi n’essayes-tu pas ?
Et ce côté déraisonnable de ma mère, encourageant les choses à bouleversé le cours de ma vie, parce que d’un seul coup au lieu d’aller à l’école, elle m’a ouvert cette porte. Et à ce moment-là mon destin a complètement changé, même si j’étais assez âgé pour être conscient qu’il y avait un côté sexuel dans toutes ces avances. Il y avait une espèce d’underground homosexuel, mais tout ça n’était pas bien méchant. Mais je suis très reconnaissant qu’il y ait eu ce genre d‘opportunité, car j’avais déjà des stars in my eyes … des étoiles dans les yeux en pensant : hou la la, je vais fait devenir une vedette de cinéma.
Et à la poursuite de ce genre de rêve, je suis parti en 60 à Paris. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré une pléthore de gens extrêmement intéressants, dont tous les noirs américains qui étaient en France à l’époque.
J’allais justement te parler de Quincy Jones…
Oui, Quincy Jones, les Platters, tu sais tous ces gens-là. Car tout le tout le monde du jazz était à Pigalle. Il y avait ce restaurant qui s’appelait Heinz tenu par un noir américain qui était resté en France après la guerre et qui avait ouvert cet établissement où ils se retrouvaient.
Pourquoi ils venaient tous en France, parce que c’était moins raciste qu’aux Etats-Unis à l’époque.
Exact et Miles Davis était en couple avec Juliette Greco. Tu sais combien c’était extraordinaire comme atmosphère ! Il y avait Harold Nicolas, il y avait plein d’acteurs, à part les musiciens.
C’était la chose la plus intéressante ce qui se passait en France ; alors évidemment, j’ai rencontré des gens comme Jacques Prévert, Man Ray dans une époque extraordinaire où l’on faisait énormément de rencontres à Paris.
Après tu as rencontré tous les cinéastes comme Arrabal, comme Jodorowsky…
Oui, mais ça c’est bien plus tard. Là on est en 60 et j’ai vécu toute une période extrêmement amusante à Paris où j’ai commencé à avoir des petits jobs au cinéma. J’avais une « silhouette », comme on disait alors, dans le film de Louis Malle « Zazie dans le métro ». Une silhouette, ça veut dire que tu étais tout le temps dans le background, tu touchais de petits cachets, des choses comme ça, mais tu n’avais droit à aucune réplique.
C’est pourquoi je suis je me suis porté volontaire pour faire des cascades, histoire de me mettre en avant. Et puis finalement en 61, j’ai décroché un rôle dans le film de Marc Allégret, qui avait comme co-réalisateur, pour des raisons de santé, Charles Gérard, qui était devenu par la suite très célèbre, comme tu sais, en tant qu’acteur, mais aussi comme réalisateur. Charles Gérard tenait le rôle de premier assistant, mais c’était lui le co-réalisateur pour des questions d’assurance. Donc Marc Allegret fait ce film ; Charles Boyer et Pascale Petit en étaient les vedettes et moi on m’a fait un rôle sur mesure. Pascal Jardin a écrit ce film, « Les démons de minuit », et puis il m’a fait un rôle de composition. Moi j’avais le loisir de faire mes propres costumes très extravagants et j’ai créé un personnage dans cette histoire qui était le prototype de ce qui allait devenir le personnage principal de « Blow Up ».
C’est-à-dire le photographe ?
Oui, le photographe ultra branché ! C’est ainsi que j’ai dessiné à ce moment-là le personnage que je joue encore de new romantic, comme ça avec tout le costume, avec le satin, les dentelles, tout ça…
Tu veux dire comme les nouveaux romantiques des années 80 Duran Duran ou Adam and the Ants ?
Si on regarde dans les photos de mon enfance, je portais déjà les dentelles et tout ça dans un bal masqué. Et dans ce film justement j’ai eu l’occasion de faire ça. Et ce qui est amusant, c’est que l’une des filles de ce film était quelqu’un qui est devenue une copine intime, c’était Zouzou !

Zouzou la twisteuse
Zouzou la twisteuse !
Zouzou était dans cette scène, où j’étais photographe. De là, je suis parti en Amérique pour la première fois en 62. Le film a été terminé, je vais passer le reste, j’ai vécu des aventures rocambolesques à Paris, à Saint-Tropez etc…
et là pendant toute cette époque-là, j’ai rencontré Vince Taylor qui avait commencé comme une espèce de météore et on m’a dit : est-ce que vous avez entendu parler de Vince Taylor ? Car tout le monde en parlait, parce qu’ils l’avaient vu chanter sur la Côte…
… dans les discothèques, dans les clubs ?
Oui dans des clubs où il avait fait des spectacles qui avaient fait sensation.
Et moi je n’ai rencontré Vince Taylor qu’un jour de 61 durant un showcase au club Saint Hillaire entièrement booké par Eddie Barclay qui avait invité tout le monde pour voir Vince Taylor, pour le présenter au grand public parisien.Vince, on a sympathisé parce qu’on a parlé d’un aspect peu connu d’Eddie Cochran qui était un excellent guitariste et qu’il faisait comme Jimmy Page par la suite. Eddie Cochran était un guitariste de studio, il faisait session man, il était le meilleur guitariste local. Et Vince Taylor, les premiers singles que Barclay a fait, c’était « Come On Everybody » et tout ça, qui qui ressemblait à du Eddie Cochran. On est devenu très liés, parce qu’en fait Vince ne parlait pas français, lorsque moi j’étais bilingue…Après ça, on ne s’est plus quittés, jusqu’au moment où en automne 1962, je suis venu en Amérique pour la première fois, d’abord à New York ensuite à LA, où là je poursuivais des choses dans le cinéma, justement.
J’ai eu beaucoup de chance, car j’ai connu énormément de monde ici, j’ai fait des choses vraiment intéressantes.
Mais c’était une époque aussi où les gens étaient plus facilement accessibles, non ? parce que tu étais jeune, sympa, cool et plutôt beau gosse, ça aide aussi.
Mais la chose essentielle, c’est que tu aurais beau aujourd’hui avoir toutes ces qualités et être en plus le fils d’un milliardaire, que tu n’arriverais pas à faire ce que j’ai fait là début 63, où je me retrouve pour la première fois à LA. Car là je suis reçu, le lendemain de mon arrivée par Sam Goldwyn junior. Je suis un « honored guest », et non pas un simple stagiaire en termes d’aujourd’hui qui signifie que tu es une sorte d’esclave ; tu apportes le café, tu peux en aucun cas parler aux vedettes ni quoi que ce soit, alors que moi, je pouvais aller voir Jack Lemmon qui était la vedette de ce film « Irma la douce » ou échanger avec Shirley McLaine. Et donc le cinématographe (directeur de la photo) qui faisait ce film, Joe LaShelle lui m’a enseigné beaucoup de choses dans le cinéma. Bref toute cette année 1963 était une expérience extraordinaire, où j’ai connu beaucoup de monde, et où j’ai pu me faufiler un peu partout. Donc, par exemple, j’ai bluffé littéralement pour avoir un job à Colombia studios sur qui était à l’époque au croisement de Gower St et de Sunset, et j’ai dit que j’avais fait des trucs pour la nouvelle vague et ce n’était pas vrai du tout…
Oui mais comme c’était très à la mode à l’époque…
On m’a dit : mais est-ce que tu pourrais écrire un scénario ? Et je ne l’avais jamais fait de ma vie, mais je me suis dit que ça ne devait pas être sorcier, donc et j’ai fait une adaptation d’un livre dans un studio à Colombia et puis c’est à ce moment-là que fortuitement on a découvert l’un et l’autre qu’ on était dans des bureaux adjacents avec John Cassavetes, le metteur en scène. Alors ensuite, on a passé beaucoup de temps ensemble, à faire des châteaux en Espagne avec tous les films qu’on aurait voulu faire. Retour en France… tout ça pour te donner l’atmosphère qui était très sympathique…
Il faut préciser que personne alors ne voyageait comme tu le faisais à l’époque, c’était exceptionnel. Donc tu en revenais auréolé de ses ce côté Hollywood…
Mais je n’ai pas trouvé chaussure à mon pied en France, c’est à ce moment-là que Vince Taylor m’a dit : mais pourquoi tu ne rejoins pas mon groupe ? Tu t’es toujours intéressé à la musique. C’est comme ça que l’aventure musicale a commencée en 64 …
…et sans aucune formation technique…
Aucune, non. J’ai fait même un concert en jouant de la basse avec Vince ! Et c’est ainsi que je suis devenu percussionniste pour la tournée justement de 65. Et là au départ j’étais toujours avec Bobbie Clarke ( le batteur : NDR) et j’ai appris t toutes les différentes techniques des poly-rythmes avec lui. Puis ensuite on a fait les premières parties des Stones, mais après ça Vince a flippé, comme tu le sais, dans cette fameuse histoire à la Locomotive. Alors là, il y a une histoire qui n’est pas bien racontée du tout, surtout par Bobbie qui a inventé n’importe quoi. C’est très curieux, parce que les gens réinventent les histoires. Moi il y a des choses dont je ne me souviens pas, mais si je m’en souviens c’est avec une espèce de rigueur, je me souviens très bien des détails. Or Bobbie livre une version complètement farfelue des évènements. Il y a eu un documentaire récemment sur Vince où ils n’ont pas pu me joindre, donc ils ont fait lire à quelqu’un qui avait un accent un peu classe anglais, qui jouait un peu mon rôle ; ils lui ont fait lire un texte d’une interview que j’avais donnée pour une pour une revue qui s’appelle « Ugly Things », qui est très documentée, c’est un mook énorme, Marx Stax qui est le directeur de cette revue en sort deux ou trois par an. Ils sont d’une précision absolument diabolique, on peut dire que Rolling Stone a été enfoncé complétement par ce mag Ugly Things. Mike Stax m’avait demandé si j’acceptais de faire un grand papier d’une dizaine de pages pratiquement avec de nombreuses photos et il a pris un type qui s’appelait Peter Morgan. Et ce dernier m’a donné un certain nombre de questions écrites, il m’a envoyé des textes et moi j’ai corrigé puis renvoyé tous les textes, donc c’était d’une réelle précision. Et c’est comme ça qu’il y avait dans ce documentaire sur Vince quelqu’un qui a pu jouer mon rôle en donnant la réplique, une autre version qui contrebalançait celle de Bobbie qui racontait n’importe quoi sur ce retour de Vince devenu complètement fou.
À SUIVRE…
Voir sur Gonzomusic :
Premier épisode des aventures du prince du rock : de Denny Cordell (producteur de « A Whiter Shade Of Pale ») à Vince Taylor le « diable noir du rock », en passant par Leon Russell, Tony Foutz, Gram Parsons, Eddie Barclay, les Playboys et les Rolling Stones… STASH OU LES AVENTURES DU PRINCE DU ROCK : Épisode 1